Camping avec les ours bruns de Katmai
Alexandra et moi avons beaucoup voyagé depuis notre rencontre. Certains de ces voyages (Australie, Hawaï, Namibie ou encore Patagonie pour ne citer qu’eux) ont été absolument fabuleux. À chaque fois, à notre retour, on avait droit à la même question : « Mais où est-ce que vous allez bien pouvoir aller en voyage de noces ? ». Pour être honnête, je n’en avais aucune idée et j’étais même inquiet de ne jamais trouver de réponse satisfaisante à cette question… Jusqu’à ce que je lise les petites lignes de remerciements à la fin du livre d’un photographe animalier. C’est comme ça que j’ai découvert l’existence de Lionel Maye, un photographe franco-américain résident en Alaska et qui est l’un des plus grands spécialistes des ours de la planète. Pour découvrir son travail, foncez sur son site Grand Frisson. Lionel, c’est un personnage exceptionnel qui fait partie des plus belles rencontres de notre vie. Avec lui, nous allons vivre un incroyable voyage. Nous allons partir camper au fin fond de l’Alaska pour réaliser un de nos rêves : photographier les ours bruns en train de pêcher les saumons.
Arrivée à Anchorage
On arrive à l’aéroport international d’Anchorage dans l’après-midi. Lionel nous y attend en compagnie des autres participants du séjour (Agnès, Gilles et Laurent, n’hésitez pas à aller découvrir leurs jolies images). On embarque à bord de son van et il nous emmène dans sa maison, sur les hauteurs de la ville, dans la forêt. Le jardin de cette maison est régulièrement visité par des élans et des ours noirs. On n’est définitivement pas tous égaux ! On fait la connaissance de Christiane, la reine de la logistique.
Le lendemain, nous partons en ville pour acheter l’équipement spécifique que nous n’avons pas pu trouver en France : il s’agit en particulier des waders, sorte de salopettes/cuissardes utilisées par les pêcheurs de truite. On en aura besoin pour traverser la rivière et rejoindre les spots photos.
Ancien hôtel de ville
Centre-ville d’Anchorage
Skyline de la ville
Alors qu’il nous promène dans la ville, Lionel nous fait découvrir un endroit atypique : une micro-brasserie a racheté un vieux cinéma. Une rangée de fauteuils sur deux a été remplacée par des tables. Les billets pour les films sont plutôt bon marché. Avant de rentrer dans la salle, on commande sa pizza et, dès qu’elle est prête, on vient nous la porter à notre place. Le tout arrosé d’une bière brassée localement ! On est tellement fans du concept qu’on est allé se faire une séance après le séjour à Katmai. On a trop adoré même si on n’a pas compris toutes les blagues de Deadpool 2 en VO non sous-titrée ! Si vous êtes de passage par Anchorage, on vous recommande donc très chaudement le Bear Tooth.
Au cinéma du Bear Tooth
Destination Katmai
Après une dernière nuit de sommeil dans un vrai lit et une dernière douche, il est temps de partir en direction du Katmai National Park. Première étape : l’aéroport d’Anchorage, toujours avec le van, mais rempli de caisses de matériel et de nourriture cette fois-ci ! On s’enregistre et on embarque à bord du vol PenAir à destination du village de King Salmon. King Salmon est le plus petit aéroport dans lequel nous ayons jamais mis les pieds. Le village abrite tout juste 400 habitants et les commerces sont limités au strict minimum. On nous transfère avec tout notre matériel jusqu’au ponton sur la rivière. C’est le moment de tout peser, nous y compris, afin de répartir le poids dans les deux hydravions que Lionel a affrétés. On enfile nos waders le temps que le personnel de Katmai Air charge toutes nos caisses et c’est parti pour l’aventure !
Direction King Salmon
Préparation du chargement
Embarquement à bord des hydravions
Nous embarquons à bord du Beaver et quelques minutes plus tard, nous sommes en train de survoler la toundra, vierge de toute présence humaine à perte de vue. Il y a une quantité de lacs absolument faramineuse. Après une heure de vol, nous arrivons à notre destination, Crosswind Lake. Ici, il n’y a pas de personnel, et c’est à nous de décharger les avions. Alors on fait une chaine humaine. Certains d’entre nous ont de l’eau jusqu’aux genoux ! Les hydravions repartent. Nous sommes à présent seuls au monde pour 8 jours. Il est temps de monter le camp : on déplie les tentes, on plante les sardines et on assemble les lits de camp. Le soir, on ne traine pas pour aller au lit parce que demain, c’est notre première journée à la rencontre des ours bruns…
Seuls au monde !
Notre campement au bord d’un lac
Petit spermophile arctique
Rencontre avec les ours bruns
Au réveil, l’excitation est à son comble. En plus, il fait super beau ce matin ! Christiane est déjà en train de faire griller les toasts du petit-déjeuner dans la tente commune. Une heure plus tard et chargés comme des mulets, on est prêts à commencer la première journée. Arrivés à la rivière, il n’y a malheureusement pas d’ours et Lionel fait le constat qu’il y a très peu de saumons. La remontée est en retard cette année. Peu importe, nous allons remonter la rivière pour aller sur un de ses meilleurs spots. Comme elle ne fait que serpenter, pour avancer plus efficacement, on la traverse à de nombreuses reprises. Le courant est fort et les cailloux glissent. Pour sécuriser le coup, il faut qu’on avance bras-dessus bras-dessous, avec un bâton chacun dans notre main libre. Et il faut toujours qu’on ait au moins deux points de contact chacun avec le sol pour toujours rester stables. Autant dire qu’on n’a pas l’air très malins sur nos premières traversées. Il n’y a pas de photos et c’est très bien comme ça ! Après deux heures d’effort, nous arrivons au fameux spot. C’est vrai que c’est très beau ici. Mais il n’y a toujours pas d’ours. Alors on s’installe et on attend.
Après l’effort, le réconfort !
Jeune bruant à couronne dorée
Quelques heures plus tard, un premier ours apparait. Aussi beau qu’on l’avait imaginé ! Tout rond et avec une belle fourrure dorée. On l’observe un bon moment vivre sa vie d’ours avant qu’il ne décide de se coucher au loin dans les herbes. Cette première rencontre est rapidement suivie d’une deuxième, celle d’une maman et de ses deux oursons ! Cette dernière fait rapidement fuir le premier ours mais elle n’a pas du tout l’air dérangée par notre présence. Comme il n’y a pas encore de poissons dans la rivière, ils se nourrissent d’herbe. Les petits sont tellement photogéniques, on n’arrive pas vraiment à réaliser que ce moment est réel. Et, comme si ça ne suffisait déjà pas, l’ourse s’allonge à quelques mètres de nous et se met à allaiter les deux oursons !
L’ours est sur l’îlot tout à droite !
Notre première rencontre
Une belle photo de famille
Un autre ours passe à proximité, tout le monde est sur ses gardes…
Après cet épisode exceptionnel, nous rangeons le matériel et repartons pour deux heures de marche jusqu’au camp. Autant dire que nous arrivons fatigués, avec le dos en compote et qu’on s’endort en une fraction de seconde une fois emmitouflés dans nos sacs de couchage !
Des conditions météo difficiles
La rencontre
Le matin du deuxième jour est beaucoup moins excitant : nous nous rendons à un tout petit lac à une trentaine de minutes de notre campement. Lionel y a souvent vu des ours alors nous nous installons et attendons. Longtemps, très longtemps ! Mais il y a beaucoup de vent ici et aucun animal ne pointe le bout de son nez. Nous repartons donc complètement bredouilles et décidons de passer l’après-midi à la rivière. Cette fois-ci nous restons à proximité du camp, à la confluence de deux rivières où les saumons s’amassent généralement avant de décider de quel côté poursuivre leur remontée. Un vieil ours est là. Lionel le connait bien : même s’il est aujourd’hui un peu sur le déclin, il a été pendant des années le dominant de la zone. Il est surnommé Oreille cassée et je ne vous ferai pas l’affront de vous expliquer pourquoi. Lui et quelques autres ours de passage essayent de pêcher mais la tâche est compliquée tant il y a peu de poissons dans la rivière. Je crois que les ours et nous sommes dans le même état d’esprit : on attend avec impatience l’arrivée massive des saumons.
Brume matinale sur la toundra. Les pêcheurs sont déjà arrivés pour la journée.
Pygargue à tête blanche
Un saumon !
Rencontre avec notre ours fétiche du voyage : Oreille cassée
L’attente
Comme on a beaucoup aimé le spot à deux heures de marche, nous décidons d’y retourner pour le troisième jour. Une fois que nous sommes arrivés, de longues heures d’attente commencent. Comme je m’ennuie un peu, je décide de prendre en photo le chevalier (je parle d’un oiseau bien sûr !) qui vit sa vie juste devant nous. Allongé dans les cailloux et à moitié dans la rivière pour avoir un angle rasant, je prends une photo que j’adore malgré les railleries de Lionel qui la trouve « surex et mal cadrée » ! Un ours finit par pointer le bout de son nez. Pas de bol pour nous, il est moche comme tout ! Ça doit être une sorte de gangster qui aime se battre avec tout le monde… Alors que la météo commence à tourner à la pluie, nous rentrons au camp avant d’être trempés de la tête aux pieds.
Le fameux spot à deux heures du campement
Un gros dur !
Chevalier criard
Bécasseau de Temminck
Apprendre la patience !
Ours y compris !
Le vent et la pluie
Les trois jours suivants se ressemblent. Même si nous observons toujours quelques ours à la rivière, il pleut en continu ! Pour nous mettre du baume au cœur, Oreille cassée est fidèle au rendez-vous chaque jour. En réalité, la pluie, ça peut être cool : on a fait quelques jolies photos d’ours. Mais quand c’est non-stop comme ça, c’est surtout difficile pour le moral et pour le matériel. Pas assez bien protégé, l’appareil d’Alexandra refuse de démarrer pendant une demi-journée. Autant dire que c’est la panique à bord. Et quand on est en camping, faire sécher quoi que soit est une mission quasi-impossible tant qu’il continue de pleuvoir et que l’humidité ambiante est proche des 100%. Heureusement que le stock d’histoires de Lionel est inépuisable (avec un petit faible pour ces gros naïfs de rangers qui ont peur des ours) et que Christiane est là pour nous préparer de bons repas chauds tous les soirs.
Les ours pouvaient rester figer pendant de longues minutes en attendant le passage de saumons ! Et nous on avait mal aux bras à tenir nos objectifs…
Les saumons étaient déchiquetés en quelques minutes !
Les pieds dans la rivière et la tête sous la pluie, on attend les ours !
Le bouquet final
L’arrivée des saumons
La veille de notre départ, quand on se lève, la pluie a cessé et il fait un temps magnifique. Autant dire qu’on est tous hyper motivés à l’idée d’aller à la rivière ce matin. Comme pour conjurer le mauvais sort, on s’installe un peu plus loin que d’habitude. Quand nous arrivons, quelques ours sont déjà là, en train de pêcher. La journée est un vrai festival : nous voyons des ours dans tous les sens. Il y en a des qui ne font que passer, de droite à gauche ou de gauche à droite. Il y en a qui s’arrêtent pour pêcher. Ils courent à toute vitesse vers la rivière et font des gros SPLASH. Et parfois ils sortent la tête de l’eau avec un gros saumon dans la bouche. Ça attire inévitablement un bon paquet de mouettes qui se jettent sur les morceaux que les ours laissent de côté.
Alors qu’on a tous le regard rivé sur la rivière, Gilles réalise tout à coup qu’une maman et ses trois petits sont en train de passer à quelques mètres derrière nous ! Ils sont tout blonds, presque blancs et ils ont les fesses violettes. Les petits gourmands ont dû s’asseoir sur des baies !
Étant installé un tout petit peu à l’écart des autres, je me retrouve à un moment sur le chemin d’un jeune ours qui doit être en train de vivre son premier été seul et qui s’arrête à quelques mètres de moi. Il est bien embêté par ma présence et ne sait pas trop quoi faire. Lionel me demande de me lever et vient se mettre à côté de moi, ce qui incite l’ours à nous contourner pour continuer sa route.
« Habituellement, quand le saumon est au rendez-vous, c’est tous les jours comme ça ! » nous dit Lionel. C’est sûr qu’on est un peu déçus de ne pas avoir vu et photographié autant d’ours tous les jours mais on est ravis d’avoir vécu cette journée exceptionnelle !
Les adieux
Le dernier jour est celui du démontage du camp. On se lève tôt et Lionel appelle le chef des hydravions avec son téléphone satellite. Après le point météo de rigueur, il est convenu qu’ils viendront nous chercher vers 13h30. Si on arrive à replier toutes les tentes suffisamment vite, on pourra retourner une dernière fois à la rivière. Aussitôt dit, aussitôt fait ! Et nous voilà repartis à la confluence… Ces dernières heures bonus sont parfaites : il fait super beau et il y a toujours autant d’ours. Lorsque les hydravions arrivent, nous participons au chargement avant d’embarquer. Juste après le décollage, nous survolons notre petit bout de rivière où, le cœur serré, nous apercevons une dernière fois Oreille cassée.
La confluence où nous avons passé la majeure partie de notre temps.
Les ours d’ordinaire solitaires se toléraient les uns les autres tellement la nourriture était abondante. Il n’y avait plus de compétition.
Retour à Anchorage
Le trajet retour est le même qu’à l’aller : on repasse par King Salmon pour embarquer à bord du vol régulier pour Anchorage. Nous dormons une dernière nuit chez Christiane et Lionel. Demain, nous allons récupérer une voiture de location et commencer la deuxième partie de ce voyage : un road-trip qui nous fera découvrir la péninsule de Kenai mais aussi le parc national Denali. Mais ça, c’est une autre histoire.
En ce qui concerne le parc national Katmai, nous y avons vécu des moments exceptionnels. Même si c’était probablement le voyage de noces le moins romantique et luxueux du monde, on n’aurait pas pu rêver mieux ! Un de nos rêves est d’ailleurs d’y retourner un jour pour y camper une nouvelle fois et fouler à nouveau ces terres absolument vierges et préservées. Malheureusement pour nous, c’était la dernière fois que Lionel et Christiane organisaient ce séjour. Après de nombreuses années à se rendre à Katmai, ils ont maintenant de nouvelles envies et de nouveaux projets. Alors on s’accroche bien fermement à nos souvenirs et ceux qui suivent de près nos aventures savent maintenant pourquoi notre 4×4 s’appelle Katmai !
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